POUSSIÈRE D'ETOILE

En perpétuel aller-retour entre l'extinction et l'éblouissement, Jean-Luc Verna détourne la vie pour dire la vie.

Il y a des étoiles assassines. Certaines sont plantées dans le mur de son studio, tranchantes armes japonaises. En constellation menaçante, vif-argent, elles répondent aux étoiles tatouées sur son corps. Ouvrant soudain les bras en croix, dans une révérence, Jean-Luc Verna risque une explication : "Les étoiles, je n'ai jamais su pourquoi je les aimais tant... Peut-être parce que ça représente l'homme". Elles dégringolent ici de partout, entre un tas de crânes oranges ou roses et des photos de Siouxsie, sa quotidienne idôle : "Ici, c'est ma matrice : surchargée de signes". Ici, le jardin de la villa Arson, l'école et centre d'art de Nice où ce doux punk est devenu artiste atypique et professeur "très directif" : prônant le dessin comme "acte érotique", l'usage d'accessoires du type houlahop et donnant tous ses cours sur fond de rock hurlant.

Qui s'est affronté à son visage piercé, quasi irréel, à son regard transpercé parfois d'une lentille en spirale connait son sens de la mise en scène. "Je ne sors jamais sans rien, toujours légèrement customisé. Avec le corps, tu peux être tout : le vent, un pays. Tout. Tant pis si certains ne retiennent que cette "superbe qualité d'étrangeté". Une grâce de danseur classique, des mimiques irrésistibles : c'est à ce "corps de tank", offert, affolant et fragile, que Brice Dellsperger a demandé de réincarner tous les personnages (hommes et femmes) de son remake de L'important c'est d'aimer, projeté à Beaubourg mais aussi à Nice. Un corps "revenu de très loin", toujours menacé mais aujourd'hui "retapé", et capable de tous les mimétismes.

Parce que "toutes les scènes doivent être rejouées", parce que plane la menace de la disparition, Verna travaille dans ses dessins sur "tous ces motifs qui appartiennent au chantier de l'art contemporain : faunes, fées, chanteuses, Satan et chimères, narration, poésie. Des maladies honteuses, que j'exhume, éclaire, farde, pour leur faire jouer une dernière scène. Même en train de mourir, ces choses disent toujours quelque chose sur l'humanité".

Il y a des étoiles assassines, comme ces strass plantés dans le mur qui parsèment son dessin à l'exposition Au-delà du spectacle : un simple coucher de soleil montagnard, générique de la Paramount devenu Paramor; un The End pour signer cette fin qu'offre parfois l'amour. "Je passe mon temps à tuer mes dessins. Je n'ai pas envie de dire : "regarde comment je te l'ai torché celui-là, quelle superbe habileté!". Alors je le calque, photocopie, transfère, je tue la vivacité du trait. Reste une macule pourrie, un tatoo émoussé". Une fin de partie, toujours rejouée. Enfoncé dans le mur, Paramor flotte, malade, en suspens, fantôme de lignes baveuses. Les contours s'estompent, vacillent, s'évanouissent; mais toujours renaissent. Il y a des étoiles mortes, dont continue à voyager la lumière.

Emmanuelle Lequeux, ADEN N°145 (du 3 au 9 janvier 2001).

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